
Tout y est pour un voyage sensoriel, une échappée loin du tumulte des villes. L’E-FEST combine musique, traditions locales, échanges et apprentissage.
Après une pause prolongée, l’E-Fest est revenu en force cette année pour une édition spéciale au cœur du Sud tunisien. Cet événement qui a eu lieu du 11 au 13 avril a drainé des milliers de festivaliers. Le concept est à ne pas confondre avec Les Dunes Électroniques. Niché à Ksar el Ferch, célèbre monument historique de Tataouine, à plus de 500 km de la capitale, il combine musique, traditions locales, échanges et apprentissage. Tout y est pour un voyage sensoriel, une échappée loin du tumulte des villes.
Des concerts entre électro et patrimoine
Sous un ciel constellé, des concerts debout sont prévus chaque soir à partir de 18h30 jusqu’à environ 4h00 du matin. Trois scènes ont accueilli les festivaliers venus en masse, tout âges confondus : Ksar stage avec accès libre, Main stage au site historique pour les grands concerts payants et Hôtel Dakyanus stage pour les prestations tardives.
Au programme, des spectacles qui font vibrer aux rythmes des sons du monde avec des artistes de Tunisie et d’ailleurs. L’Algérie, le Maroc, la Mauritanie, la Turquie, l’Egypte, le Liban, l’Iran, la France, l’Ouganda et d’autres pays ont tous apporté leur touche à cette manifestation pour une bonne ambiance qui transcende les frontières de la langue. Parmi les têtes d’affiches, des artistes tunisiens tant attendus comme Ammar 808, Erkez Hip Hop et Nidhal Yahyaoui. La musique électronique a résonné haut et fort, mêlée aux notes du mezwed, du raï et du Stambeli auxquels elle a apporté un vent de fraîcheur.
Un pur bonheur pour le public qui a capté l’énergie, certes contagieuse, des artistes qui ont enflammé la scène. Notons qu’en plus des hôtels de la région, les festivaliers ont pu séjourner sur place après les concerts. Un espace a été aménagé avec des tentes de camping pour un prix réduit, permettant un accès plus large à l’événement.
Découvrir la culture locale
L’événement, qui se veut «un pont entre le passé et le futur, entre tradition et innovation», a misé sur le tourisme intérieur en plus d’attirer un grand nombre d’étrangers. Des stands ont été organisés dans des tentes jusqu’à une heure tardive de la nuit. Une large palette de produits créés par les artisans locaux ont été exposés : couffins, bijoux, habits…
avec des retouches faites sur place devant l’œil admiratif des visiteurs. Les spécialités culinaires locales ont été à l’honneur pour le plaisir des papilles : beignets, mtabga, garnghzel… En plus de faire la fierté des habitants, ce marché sert à dynamiser la région économiquement et socialement. Des espaces aménagés pour cafés et restaurants se sont tenus dans des ghorfas du Ksar, avec une décoration artisanale pour une immersion parfaite avec le cadre. L’engagement éco-responsable était manifeste, témoin de l’essence même du festival : la connexion entre humains, nature et patrimoine.
Les masterclass et les ateliers
La line-up de l’E-Fest inclut des masterclass à accès gratuit, dont certains sont animés par les artistes qui se produisent sur scène et qui exposent au public leurs visions et leurs expérimentations. Les participants ont ainsi eu l’occasion d’échanger avec AzuTiwaline et Cinna Peyghamy.
Leur musique fusionne des notes électros avec les sonorités du tombak iranien et des inspirations du désert tunisien où ils résident depuis quelque temps. Les membres du groupe Raïna Raï ont animé une rencontre sur le raï, désormais électrifié à leur manière. D’autres ateliers d’initiation à la VR, au podcast, au mapping génératif et aux performances numériques ont captivé un nombre considérable de participants.
L’IA pour la valorisation du site historique
«Bien avant les hommes, Tataouine était une mer. Puis, vinrent les créatures oubliées, dont seuls les ossements témoignent. Les premiers peuples écoutaient les pierres, racontant le désert avant le désert». C’est par ce texte poétique que l’installation de New Media Art attire les visiteurs curieux de découvrir «Electric Tatwin». La présentation inclut ce que l’on voit et assimile de Tataouine, inséré dans une IA.
L’appareil génère par la suite des vidéos en 3D et des sons. L’histoire de la ville est ainsi reconstituée et on peut interférer avec le visuel en temps réel. La deuxième étape sur laquelle les créateurs du programme sont en train de travailler, c’est de développer des personnages qui attendent l’utilisateur dans la ville au cours de sa visite virtuelle et avec lesquels il peut dialoguer et interagir. On voit le Ksar se dessiner progressivement sur le grand écran de l’appareil, ravivant sa gloire aux temps anciens. Ce site historique n’est pas que du passé pour ces passionnés d’IA. Son architecture singulière les fascine, sur le plan esthétique, mais surtout pour la régulation de la température à l’intérieur des ghorfas préservées de la chaleur externe. Ils souhaitent un retour à ces constructions proches de la nature qu’ils considèrent comme étant « le futur écologique de l’architecture».
Au final, il faut noter l’accueil chaleureux et convivial des habitants de Ksar el Ferch qui ont exprimé leur bonheur de recevoir un nombre énorme de visiteurs dans leur petite commune qu’ils croyaient à l’écart des événements culturels de grande envergure. Il convient également de saluer l’organisation sans faille de l’E-Fest, au niveau de la sécurité comme pour le respect du programme. Plus qu’une série de concerts, l’E-Fest est une expérience humaine. Cette connexion culturelle a un grand impact pour la valorisation du lieu situé loin des circuits touristiques habituels. C’est une opportunité d’ouverture en réunissant les locaux et les visiteurs autour de la bonne musique et de l’apprentissage. Un lien se tisse par ce partage d’expériences et d’émotions. On en repart les chaussures pleines de sable, mais la tête remplie de souvenirs précieux. Encore une preuve que même dans les lieux les plus lointains et arides, la culture et la créativité sont des catalyseurs de découvertes.